Le 9 décembre, la House of Automobile (HoA) réunissait constructeurs, loueurs, DRH et décideurs publics à la Chambre de Commerce pour une soirée consacrée au « Marché automobile, voitures de société : état des lieux et perspectives ». Humakina y était pour une raison simple : au Luxembourg, la voiture de société n’est pas qu’un objet fiscal ou technologique, c’est un levier RH majeur.
Voici ce que les DRH, CPO et HRBP peuvent retenir de cette conférence, avec un focus sur la voiture de société au Luxembourg, l’ATN, la TVA et l’attractivité des talents.
1. Un marché automobile sous pression… et au cœur des enjeux RH
D’entrée de jeu, Gerry Wagner, porte-parole de la House of Automobile, a planté le décor :
transition énergétique ambitieuse, contexte économique et géopolitique incertain, évolution de la fiscalité et de la TVA sur les voitures de société.
Pour objectiver le débat, la HoA a mené deux enquêtes d’ampleur :
- plus de 13 000 particuliers interrogés,
- 355 entreprises, avec une majorité d’acteurs de la finance et de l’assurance.
Objectif : comprendre comment ces évolutions influencent les choix de motorisation, les intentions d’achat… et le rôle de la voiture de société au Luxembourg dans l’attractivité des employeurs.
Pour Humakina, le sujet est central : la mobilité fait partie intégrante du pacte employeur / collaborateur, en particulier dans un pays où les talents sont très mobiles et où les flux de frontaliers structurent le marché du travail.
2. La voiture de société reste l’avantage extra-légal n°1
Les résultats présentés sont sans ambiguïté.
Lorsque l’on demande aux entreprises et aux salariés à quel point la voiture de société compte dans un package salarial :
- près de 80 % des entreprises la considèrent comme un avantage important ou très important,
- 62 % des particuliers partagent ce jugement,
- seuls 4 à 6 % estiment qu’il s’agit d’un avantage peu important.
Autre élément fort : la voiture de société arrive nettement devant les autres avantages extra-légaux, notamment :
- les jours de congés supplémentaires,
- les plans de pension complémentaires.
« La voiture de société reste l’avantage extra-légal n°1 pour attirer et fidéliser les talents au Luxembourg, loin devant les congés supplémentaires et les plans de pension. »
Constat issu de l’enquête de la House of Automobile, présenté par Gerry Wagner
Elle est perçue comme une composante « normale » du package, au même titre que le fixe, le variable ou la prévoyance.
Pour les RH, cela confirme une réalité souvent ressentie mais rarement objectivée : remettre en cause cet avantage sans alternative claire, c’est toucher directement à l’attractivité de l’employeur et au pouvoir d’achat des collaborateurs.
3. Les 24–44 ans : loin d’être « désengagés » de la voiture
L’étude montre également que l’importance de la voiture de société est encore plus marquée chez les 24–44 ans.
Cette tranche d’âge concentre :
- les talents en début et milieu de carrière,
- les profils les plus sollicités par la concurrence,
- de nombreuses mobilités internationales et transfrontalières.
Contrairement au récit selon lequel « les jeunes ne s’intéressent plus à la voiture », la conférence a mis en évidence un constat nuancé :
pour beaucoup de jeunes cadres, la voiture de société n’est pas un gadget de statut, mais un outil concret de mobilité et de pouvoir d’achat.
Lors de la table ronde, Christophe Colacino (Fleetability) l’a bien résumé : les jeunes ne raisonnent plus en chevaux fiscaux et cylindrées, mais en solutions de mobilité et en loyers mensuels.
« Les jeunes talents ne parlent plus de chevaux fiscaux, mais de solutions de mobilité et de loyer mensuel : la voiture reste centrale, mais le référentiel a profondément changé. »
Christophe Colacino, Owner, Fleetability, lors de la table ronde HoA
Pour les RH, la conclusion est claire : la voiture de société reste un levier d’attractivité majeur pour les profils 24–44 ans, à condition de l’intégrer dans une approche globale de Total Rewards et de politique de mobilité.
4. ATN, TVA et fiscalité des voitures de société au Luxembourg : quels impacts pour les RH ?
Côté fiscalité, le message envoyé par les participants est clair : le niveau actuel de l’Avantage de Toute Nature (ATN) à 2 % pour les motorisations non 100 % électriques est perçu comme problématique.
Les conséquences évoquées :
- coût net plus élevé pour le collaborateur,
- perte d’attractivité de la voiture de société pour l’employeur,
- tentation de renoncer purement et simplement à l’avantage.
Les nouvelles règles de TVA liées à l’arrêt dit « QM » de la Cour de Justice de l’UE renforcent cette tension : non-récupération partielle de la TVA sur les loyers des véhicules de société, complexité administrative, incertitudes pour de nombreuses entreprises.
Un effet pervers ressort clairement de l’enquête :
- lorsque des conducteurs renoncent à la voiture de société et basculent vers un achat privé,
- ils choisissent très majoritairement des motorisations thermiques,
- et conservent ces véhicules beaucoup plus longtemps (8 ans ou plus, contre 3–4 ans pour une voiture de société en flotte).
« Fragiliser la voiture de société, c’est prendre le risque de pousser les collaborateurs vers des véhicules thermiques achetés en privé et conservés huit ans ou plus, en ralentissant la transition électrique. »
Synthèse des conclusions présentées par Gerry Wagner sur les effets possibles de la fiscalité actuelle
Résultat : on perd à la fois un outil RH d’attractivité et un levier puissant de renouvellement vers l’électrique dans le marché automobile luxembourgeois.
Pour les RH, le sujet n’est donc pas seulement budgétaire : c’est une question de positionnement employeur, de pouvoir d’achat des collaborateurs et de cohérence avec les engagements RSE de l’entreprise.
5. Ce que disent les acteurs RH & flotte : la voiture de fonction est aussi un outil de fidélisation
Lors de la table ronde, plusieurs intervenants ont apporté un éclairage très opérationnel du point de vue des entreprises.
- Murielle Marquis (DRH, In Extenso Belux) a rappelé que la voiture de société :
- reste un élément clé de fidélisation,
- est intégrée à des cycles de leasing de plusieurs années,
- sécurise la mobilité et la stabilité financière des collaborateurs.
- Dominique Roger (Mobiz) a insisté sur le rôle structurel du leasing B2B dans la transition vers l’électromobilité et sur la nécessité de signaux politiques stables pour éviter une décroissance durable du parc de voitures de fonction.
- Marc Devillet (Autopolis) a souligné :
- le boom du Private Lease côté particuliers, très lié à la voiture électrique d’entreprise,
- la sensibilité des mensualités aux aides comme le Klimabonus.
- Christophe Colacino (Fleetability) a rappelé que le Fleet Manager est désormais un véritable conseiller fiscal & mobilité pour les collaborateurs, au cœur de la gestion de la flotte automobile.
Pour les DRH, cela signifie que la politique automobile ne peut plus être gérée uniquement par les achats ou la flotte : elle devient un chapitre à part entière de la politique RH et de la marque employeur.
6. Que faire concrètement côté RH ? 5 pistes à court terme
À la lumière des échanges et de l’enquête HoA, voici quelques pistes d’action pour les directions RH au Luxembourg :
1. Actualiser la Car Policy de l’entreprise
- Clarifier les critères d’éligibilité (fonction, niveau, besoins opérationnels).
- Définir des catégories de véhicules alignées avec les objectifs d’émissions.
- Prévoir des alternatives : voiture de société, allocation mobilité, cash allowance, etc.
2. Intégrer la voiture de société dans le “Total Rewards”
- Rendre explicite cet avantage dans les offres d’emploi et les supports de marque employeur.
- Mettre en regard salaire fixe, variable, avantages sociaux et mobilité professionnelle.
3. Accompagner les collaborateurs dans la transition électrique
- Sessions d’information sur ATN, TVA et coût total de possession (TCO).
- Essais de véhicules électriques pour lever les idées reçues.
- Mise à disposition d’outils de simulation (impact net sur salaire, budget mobilité).
4. Investir dans la recharge au travail & tenir compte de l’habitat collectif
- Étudier l’installation de bornes sur site pour faciliter le passage à la voiture électrique d’entreprise.
- Dialoguer avec les salariés en habitat collectif, plus exposés aux freins de recharge, pour identifier des solutions réalistes.
5. Suivre de près l’évolution du cadre légal
- Les interventions des ministres Lex Delles et Gilles Roth ont montré que les messages du secteur ont été entendus, sans qu’un changement immédiat soit acté.
- Pour les RH, l’enjeu est de rester en veille afin d’adapter rapidement les packages de mobilité et de communiquer de façon transparente aux collaborateurs.
« Pour les entreprises basées au Luxembourg, ce contexte oblige à repenser la Car Policy et la fiscalité des voitures de société en intégrant à la fois l’ATN, la TVA et les objectifs de mobilité durable. »
Analyse Humakina
7. Conclusion : ne pas casser un levier RH stratégique dans la transition énergétique
La conférence de la House of Automobile l’a montré avec force :
- les conducteurs de véhicules électriques sont, pour la plupart, convaincus et fidèles à cette motorisation ;
- le leasing, qu’il s’agisse de leasing d’entreprise ou de leasing privé, reste un levier majeur de la transition ;
- les primes de type Klimabonus jouent un rôle réel dans l’acceptabilité ;
- et surtout, la voiture de société demeure le premier avantage extra-légal pour attirer et fidéliser les talents au Luxembourg.
La question n’est donc pas de savoir si la voiture de société doit disparaître, mais comment l’adapter intelligemment pour :
- accompagner les objectifs climatiques,
- sécuriser l’attractivité des employeurs,
- et préserver un secteur économique clé.
Chez Humakina, nous continuerons à suivre ces évolutions, en particulier sous l’angle de la marque employeur, de la mobilité et de l’expérience collaborateur.
👉 Vous souhaitez partager votre retour d’expérience sur la voiture de société, le Private Lease ou vos politiques de mobilité en interne ?
Contactez-nous ou rejoignez la communauté Humakina pour contribuer aux prochains benchmarks et échanges entre pairs.