Là où il n’y a pas de mixité, il n’y a souvent pas d’Index non plus.
Chaque année, les entreprises de plus de 50 salariés doivent publier leur Index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. À première vue, cet outil semble clair : une bonne note indiquerait qu’hommes et femmes sont traités de manière équitable, en matière de rémunération, d’augmentations, de promotions ou encore de représentation dans les plus hautes rémunérations.
Mais derrière cette apparente simplicité, les choses sont plus complexes. Une récente étude de la Dares (mai 2025) vient précisément questionner ce que mesure réellement l’Index, et met en lumière une corrélation forte, mais ambivalente, entre la part de femmes dans l’entreprise et la note obtenue.
Une bonne note… pourvu que l’Index soit calculable
Premier rappel : l’Index n’est pas calculable dans toutes les entreprises. Il suppose un minimum de mixité, c’est-à-dire une présence suffisante de femmes et d’hommes dans chaque catégorie socioprofessionnelle. Résultat : les entreprises très peu mixtes – moins de 20 % ou plus de 85 % de femmes – sont souvent exclues du dispositif, faute de données comparables.
Cette contrainte statistique écarte de fait un certain nombre d’entreprises – souvent issues de secteurs très féminisés comme la santé, l’enseignement ou le social – ou à l’inverse très masculins (industrie, transport).
Ce que dit vraiment la data : plus il y a de femmes, meilleure est la note
Parmi les entreprises pour lesquelles l’Index est calculable, l’analyse de la Dares est limpide : la note augmente en moyenne avec la proportion de femmes. Le phénomène est net jusqu’à environ 75 % de femmes dans l’effectif. Ensuite, la courbe se tasse légèrement.
Cette corrélation s’amplifie encore lorsque les femmes sont présentes dans les postes à responsabilité. Autrement dit, la féminisation des cadres est l’un des moteurs les plus puissants de progression sur l’Index.
Autre facteur important : la taille de l’entreprise. Les structures de plus de 250 ou 1 000 salariés obtiennent en moyenne de meilleures notes. On peut y voir l’effet d’une professionnalisation accrue des fonctions RH, mais aussi d’un reporting plus rigoureux.
Derrière les chiffres : des effets structurels parfois trompeurs
Mais attention : une bonne note n’est pas toujours le fruit d’une politique RH ambitieuse. Dans certains cas, elle reflète simplement la structure salariale de l’entreprise.
Par exemple, les entreprises avec une majorité d’employés ou d’ouvriers, où les salaires sont globalement bas et peu dispersés, affichent souvent des scores élevés. Non pas parce qu’elles ont activement corrigé les écarts, mais parce que ces écarts sont faibles par construction.
C’est aussi le cas dans les entreprises où le temps partiel est massif – souvent dans des secteurs très féminisés. Là encore, la faible dispersion des rémunérations entre les sexes gonfle artificiellement la note, sans pour autant traduire un vrai engagement en matière de mixité.
La vraie clé : la mixité des responsabilités
Là où la lecture devient plus stratégique, c’est lorsqu’on s’intéresse à la répartition des femmes dans les différentes strates de l’entreprise. L’étude le montre clairement : plus il y a de femmes parmi les cadres, meilleure est la note à l’Index.
C’est dans cette population que les écarts de rémunération sont les plus marqués – et donc les plus visibles. Une féminisation des postes à responsabilité permet non seulement de réduire ces écarts, mais aussi de signaler une transformation culturelle plus profonde.
À l’inverse, une entreprise très féminisée… mais uniquement dans les fonctions d’exécution, pourra afficher une bonne note sans être réellement engagée dans une logique d’égalité des chances.
Ce que les DRH doivent en retenir
Loin d’être un simple outil de conformité, l’Index peut devenir un vrai révélateur stratégique. Encore faut-il savoir le lire correctement. Quelques points de vigilance :
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Comparer ce qui est comparable. Deux entreprises avec une même note peuvent avoir des réalités très différentes.
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Scruter les écarts par catégorie. La moyenne globale peut masquer des inégalités persistantes dans certaines strates.
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Regarder les dynamiques, pas seulement le niveau. La progression dans le temps est souvent plus significative que la note d’une année isolée.
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Renforcer la mixité qualitative. Ce n’est pas tant le nombre de femmes qui compte, mais là où elles sont. Une féminisation des fonctions d’encadrement a un effet direct et mesurable.
Au-delà de la note, l’enjeu de l’égalité réelle
Oui, la part de femmes dans l’entreprise influe sur la note à l’Index. Mais encore faut-il que cette présence ne se limite pas aux emplois les moins valorisés. L’égalité professionnelle ne se résume pas à l’absence d’écarts statistiques : elle se construit dans l’accès réel à la formation, à la mobilité, à la reconnaissance.
C’est ce que cette étude nous rappelle avec force. Et c’est là, plus que dans la note affichée, que se joue la crédibilité de la politique RH aux yeux des collaboratrices… et des collaborateurs.