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Talents juridiques au Luxembourg : quand l’attractivité ne suffit plus

Rédigé par Humakina | 03/06/2025

Alors que le marché juridique luxembourgeois continue d’attirer de nouveaux acteurs, les difficultés de recrutement se multiplient pour les cabinets et directions juridiques. Spécialiste du placement et du conseil en ressources humaines juridiques, Vialegis Luxembourg observe au quotidien les mutations d’un marché devenu à la fois ultra-compétitif et de plus en plus exigeant. Alexis Yaghi, Country Manager, livre ici une analyse de terrain des tensions qui traversent la profession : transformation du rapport de force entre employeurs et candidats, spécialisation croissante des profils, nouvelles attentes générationnelles… Autant de signaux faibles à décrypter pour mieux comprendre pourquoi attirer, recruter et fidéliser durablement les bons profils demande aujourd’hui une approche plus fine, plus humaine, et plus stratégique.

 

Un marché en croissance… mais sous pression

Le marché juridique luxembourgeois affiche une dynamique constante. Depuis près d’une décennie, un à trois cabinets d’avocats d’affaires s’installent chaque année dans la capitale. Cet essor s’explique en grande partie par l’évolution continue du cadre réglementaire — parfois plus que de raison — ainsi que par la croissance du secteur de la gestion d’actifs, pilier de l’économie locale et principal pourvoyeur de missions juridiques.

Mais cette vitalité s’accompagne de tensions croissantes. Les problématiques d’attractivité et de rétention des talents sont devenues centrales pour les acteurs de la Place.

« Schématiquement, la période 2011/2018 se caractérisait par une relative position de force des employeurs. Depuis, le rapport s’est totalement rééquilibré, voire inversé dans certains cas. »

 

Un rapport de force bouleversé

En 2025, un fossé s’est creusé entre les attentes des entreprises et celles des talents. D’un côté, des employeurs à la recherche de profils compétents, engagés et prêts à s’inscrire dans la durée — idéalement cinq ans ou plus. De l’autre, des candidats souvent portés par la quête d’un meilleur équilibre de vie, de sens dans le travail ou d’une évolution rapide.

Cette asymétrie se traduit notamment lors des négociations salariales, où les logiques peuvent s’opposer frontalement.

« Le candidat veut obtenir puis démontrer, l’employeur veut tester puis donner. Difficile de réconcilier ces deux approches, l’une des parties ayant systématiquement le sentiment de faire davantage de concessions que l’autre. »

 

Spécialisation extrême et mobilité réduite

Autre particularité du marché luxembourgeois : l’ultra-spécialisation des profils. Avocats comme juristes sont souvent cantonnés à une matière juridique très précise — voire une sous-matière. Par exemple, un professionnel spécialisé en fonds d’investissements alternatifs sera rarement considéré pour des postes liés aux OPCVM.

Cette segmentation freine la mobilité et restreint les passerelles professionnelles. Par ailleurs, la logique dominante reste celle du « plug & play », avec des employeurs qui attendent des collaborateurs immédiatement opérationnels, au détriment parfois du potentiel à développer.

« Si je fais la même chose chez mon nouvel employeur que les 10 années précédentes, le risque de tomber rapidement dans une forme de lassitude est élevé. »

Chez Vialegis, les équipes encouragent au contraire l’ouverture : miser sur la formation, élargir le champ d’action, créer des trajectoires évolutives.
Passé la phase d’intégration, ce sont souvent ces profils hybrides et responsabilisés qui s’avèrent les plus engagés — et les plus fidèles.

 

Rétention et impatience : le nouveau tempo des talents

L’enjeu ne se limite pas à l’attractivité. La rétention devient elle aussi un sujet sensible. Aujourd’hui, la frustration ne s’installe plus dans la durée. Un collaborateur qui perçoit un manque de reconnaissance ou d’évolution potentielle ne mettra pas six mois à s’interroger : en quelques jours, il peut se remettre à l’écoute du marché.

Cette recherche d’immédiateté se retrouve également lors des phases d’engagement : nombreux sont les professionnels qui changent d’employeur moins par adhésion à un nouveau projet que pour quitter un environnement insatisfaisant. Or, comme le rappelle Alexis Yaghi, « la recherche d’un poste de qualité peut prendre du temps et s’étirer parfois sur plusieurs années. »

 

L’expérience candidat, levier stratégique trop souvent négligé

Dans ce contexte tendu, l’expérience candidat devient un différenciateur fort. Pourtant, elle est encore sous-estimée. Trop d’entreprises oublient qu’un candidat non retenu reste un ambassadeur potentiel, un contact précieux à long terme — ou un prescripteur.

« Une communication transparente et régulière, quitte à simplement informer le candidat qu’il n’y a pas d’avancée particulière pour X ou Y raison, ainsi que des feedbacks constructifs, et l’image laissée aux candidats non retenus sera assurément positive. »

Sur un marché de taille réduite comme celui de Luxembourg, la réputation employeur se construit dans le détail. Elle ne nécessite pas de grands moyens, mais exige rigueur, attention et cohérence dans les échanges.

 

Recruter autrement, construire durablement

Les tensions actuelles ne sont pas une fatalité. Elles appellent un changement de posture : revoir les critères de sélection, intégrer l’envie d’évoluer comme un atout, accepter de former, soigner chaque interaction. Chez Vialegis, cette approche guide les missions menées auprès des cabinets et entreprises. L’objectif : dépasser le simple recrutement pour accompagner la structuration d’équipes solides, alignées, et résilientes dans un environnement mouvant.