Le Grand-Duché de Luxembourg continue d'afficher des performances exceptionnelles en matière d'emploi. Avec près de 500 000 emplois pour 660 000 habitants, le pays est devenu un acteur à part dans le paysage européen. Mais cette dynamique économique hors norme s'accompagne de flux pendulaires massifs, qui soulèvent des enjeux croissants en matière de mobilité, d'aménagement du territoire et de qualité de vie.
« Le Statec publie régulièrement des données avec les chiffres de l’emploi du pays, ou le recensement de la population. Mais ce que nous avons voulu faire avec cette publication, c’est apporter une vraie réponse sur la notion d’aménagement du territoire », souligne Frédéric Durand, chercheur au LISER. Pour la première fois, les données de l’Administration des contributions directes, du Statec et du Département de l’Aménagement du territoire (DATer) ont été croisées afin d’obtenir une vision inédite des flux domicile-travail, des localisations d’emploi et des lieux de résidence des travailleurs au Luxembourg. Cette étude constitue le dernier numéro de la série « Des cartes et des chiffres », portée par l’Observatoire du développement territorial (ODT), qui change ainsi d’échelle et affine considérablement la compréhension des réalités géographiques du travail.
En 2023, le Luxembourg recensait 499 985 emplois, dont 47 % occupés par des frontaliers. Cette part, en progression constante depuis plusieurs décennies, atteint aujourd’hui un niveau jamais observé. Les frontaliers viennent majoritairement de France (52,7 %), suivis de la Belgique (23,7 %) et de l'Allemagne (23,6 %). Ce bassin d’emploi transfrontalier constitue un pilier de l’économie luxembourgeoise, mais il étend désormais ses ramifications bien au-delà des premières couronnes frontalières. Thionville (18 000 frontaliers) et Longwy (14 891) sont devenus des points névralgiques de cette aire d’attractivité économique.
La polarisation géographique de l’emploi est particulièrement marquée. À elle seule, la capitale concentre plus de 172 000 emplois, soit un tiers du total national. L’Agglo-Centre, qui intègre aussi des communes comme Bertrange et Niederanven, regroupe plus de la moitié des emplois du pays. En 2023, 62 295 frontaliers travaillaient à Luxembourg-ville, loin devant Esch-sur-Alzette (10 148) ou Bertrange (7 570). Certaines communes frontalières affichent des records, comme Weiswampach où 70 % des emplois sont occupés par des frontaliers.
Seuls 24,3 % des actifs luxembourgeois travaillent dans leur commune de résidence. Pour les résidents du pays, les trajets moyens sont estimés à 16,7 km. Pour les frontaliers, les distances sont nettement supérieures : 44,7 km pour les Français, 48 km pour les Allemands et 53,9 km pour les Belges. Des chiffres qui traduisent non seulement l’attractivité du marché du travail luxembourgeois, mais aussi les défis logistiques posés par ces déplacements massifs.
Face à ces constats, le rapport plaide pour une stratégie territoriale repensée. Parmi les recommandations clés :
Renforcer la décentralisation économique vers d’autres pôles nationaux et transfrontaliers.
Encourager le télétravail et les espaces de coworking pour limiter les déplacements quotidiens.
Améliorer la coopération transfrontalière et la planification urbaine à l’échelle élargie du bassin de vie.
Toutes les cartes, données, tableaux détaillés sur les communes luxembourgeoises, les régions frontalières, ainsi que l’analyse complète des flux de mobilité domicile-travail sont disponibles dans le rapport complet de l'Observatoire du développement territorial, téléchargeable ici : [Télécharger le rapport complet]
Un outil précieux pour tous les acteurs publics, privés ou institutionnels qui souhaitent mieux anticiper les défis du territoire luxembourgeois. Comprendre ces dynamiques, c'est aussi mieux préparer l'avenir d'une grande région de plus en plus interconnectée.